Forum Le Monde Le Mans

2019 - L'identité

Parce qu’on l’associe spontanément, de nouveau, à une série d’inquiétudes portant sur la culture, les traditions, les manières de vivre, et parce qu’elle peut nourrir une rhétorique d’exclusion, voire violente intolérance, la notion d’identité est parfois réduite à ses enjeux les plus périlleux. Or elle dépasse de loin ces seuls débats. Avant même de toucher à la politique, la question de l’identité s’impose à chaque individu conscient, sous la forme de ce mystère que Francis Wolff, lors du 30e Forum Philo Le Mans, résumait ainsi : « je suis toujours le même comme une chose et pourtant je suis, comme les événements, cause de certains événements, mes actes. Je change sans cesse et pourtant je suis toujours celui que j’ai toujours été. Mystère de l’identité : qui suis-je ? ». Cette interrogation, qui engage la façon dont une vie peut faire continuité, concerne chacune et chacun. Evacuer « l’identité », en faire un mot maudit, un mot moisi, sous prétexte qu’il nourrit une spirale « identitaire », ce serait passer à côté de l’essentiel. Ce serait, surtout, ignorer que pour déconstruire l’identité, il faut d’abord en affirmer l’épaisseur humaine, et même, peut-être, en revendiquer la puissance émancipatrice. Du reste, le philosophe Jacques Derrida, dont le nom est resté attaché à ce geste de la « déconstruction », et qui n’a cessé de dynamiter les fondements de toute identité satisfaite, fermée à l’autre, est aussi celui qui a affirmé la nécessité de prendre l’identité au sérieux. Dans ce livre magnifique qui s’intitule Le monolinguisme de l’autre(Galilée, 1996), il notait : « Notre question, c’est toujours l’identité. Qu’est-ce que l’identité, ce concept dont la transparente identité à elle-même est toujours dogmatiquement supposée par tant de débats sur le monoculturalisme ou sur le multiculturalisme, sur la nationalité, la citoyenneté, l’appartenance en général ? ». Trois jours durant, du 8 au 10 novembre, le Forum Philo essaiera de répondre à cette question en chassant les supposés « dogmatiques » qui la recouvrent si souvent. Il le fera devant un public nombreux, largement composé de lycéens, et dans l’esprit d’exigence et de partage qui distingue ces rencontres depuis trois décennies.

Langage, identités et domination

10 novembre 2019
Durée : 00:23:25
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31ème Forum Philo Le Monde Le Mans : « L'identité »

Langage, identités et domination

Intervenant  : Wendy Delorme

Wendy Delorme Langage, identités et domination Nommer, c’est faire violence. Mais ce qui n’a pas de nom est réduit au silence. Car nommer rend visible, avère une existence. Les minorités forgent leur vocabulaire d’auto­détermination, car « qui nomme qui ? » est un ressort de la domina­ tion. Depuis plus d’un demi-­siècle, l’identité se fait matrice de résis­tances contre l’hégémonie. Les discours identitaires des minorités de genre, de race et de classe cor­rodent le mythe français de l’uni­versalisme. L’identité n’est pas qu’un enjeu de langage, elle se forge concrètement dans les rap­ports sociaux. Mais le langage agit sur les cadres de perception du réel, c’est le pacte premier qui nous lie, notre contrat social, celui qui nous aliène. Redéfinir le pacte, c’est donc resignifier, réécrire ou pirater les termes dans lesquels il s’énonce.

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