Colloque international - Les religions face aux théories et aux politiques de la «race» (XVe-XXIe siècle)
Le récit sacré sur l'Histoire des "races" et des nations d'après Benito Jeronimo Feijoo
Intervenant : Gilles Teulié, Aix-Marseille Université / LERMA
L’Église Réformée Hollandaise d’Afrique du Sud n’a pas eu à faire face à l’irruption de l’idée de « race » de manière brutale car la question raciale a été au coeur de son implantation en Afrique du Sud dès le XVIIe siècle. Depuis cette époque, la question de la place des non-Blancs s’est posée pour la société de colons néerlandais, allemands et français dirigée par la Compagnie Néerlandaise des Indes Orientales tout d’abord, puis dans celle des colons britanniques et des républiques Boers dans un deuxième temps, avant de prendre toute son ampleur dans l’Afrique du Sud anglo-afrikaner plus ou moins unifiée après 1910. Si ces sociétés ont été perméables aux discours raciaux élaborés en Europe et dans l’Empire britannique, elles ont pu développer leurs propres stratégies rhétoriques afin de promouvoir leur suprématie et ainsi préserver leur domination politique. C’est dans ce contexte que l’Église Réformée Hollandaise d’Afrique du Sud a accepté et intégré de tels discours mais a pu aussi, de manière surprenante pour une Église chrétienne issue de la Réforme, bâtir une idéologie raciale exclusive qui la mènera inexorablement dans l’impasse du système inique de l’apartheid. Dès 1857, elle instaure le système des cultes séparés entre Blancs et Noirs créant ainsi des Eglises « filles » réservées pour les Noirs. Mais, c’est dans les années qui ont précédé l’instauration de l’apartheid en 1948 que s’est formalisée une idéologie raciale à la confluence des courants réformés libéraux et orthodoxes, issues des tensions entre les tenants de la théologie de Karl Barth et de celle d’Abraham Kuyper. Cette présentation se propose d’examiner les écrits théoriques concernant la race issus de cette Église dans les années précédant la mise en place de l’apartheid et de voir dans quel contexte ils sont apparus. Il s’agira également d’essayer de comprendre dans quelles mesures ceux que l’on pourrait nommer les architectes d’un apartheid théologique ont pu défendre cette racialisation des identités collectives et enfin comment les autorités religieuses ont pu imposer une certaine obéissance aux pasteurs afin que le message théologique soit relayé dans les paroisses.