RelRac2016 - La béatification des saints de "couleur". Discours et images des martyrs japonais à l'époque moderne

1 juin 2016
Durée : 00:20:21
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Colloque international - Les religions face aux théories et aux politiques de la «race» (XVe-XXIe siècle)

 

La béatification des saints de "couleur". Discours et images des martyrs japonais à l'époque moderne

Intervenante : Hitomi Omata Rappo, Université de Fribourg

 

En 1627, la cérémonie de la béatification de vingt-six martyrs de Nagasaki se déroule solennellement à Rome, et des fêtes similaires ont lieu dans toute l’Europe catholique. Ces saints, exécutés en 1597, sont les premiers martyrs officiels de la mission en Asie. La composition sociologique de ces nouveaux saints est singulière pour l’époque. En effet, seuls quatre, des franciscains, étaient d’origine européenne, et l’on y trouvait des Japonais, des Chinois ou encore des métis indiens et mexicains. Leur béatification, ainsi que la permission de leur culte, constituaient la première reconnaissance officielle de sainteté pour des populations originaires des territoires nouvellement découverts, autrement dit des « Indes ». Dans leur ensemble, le culte de ces martyrs était intimement lié, non pas au Japon, mais à leurs régions d’origine, et ils ont été utilisés dans la construction d’une identité coloniale, chrétienne (l’exemple le plus connu est celui de Jeronimo de Jesus au Mexique). Ils ont également été intégrés à des modèles de dévotion en Europe, qui ont donné naissance à des motifs iconographiques les représentant. Le cas des trois martyrs jésuites, tous d’origine japonaise, est particulièrement intéressant, car il révèle une forme d’ambiguïté quant à la perception de leur apparence, et plus généralement des caractéristiques physiques des populations asiatiques. Comme l’ont montré les recherches de Mickael Keevak, la notion de « peau jaune » n’existait pas encore au début du XVIIe siècle, et les témoignages contemporains parlent à la fois de Japonais à la peau « noire » ou « blanche ». Or, l’on ne trouve aucune image de saints japonais à la peau noire, et l’ensemble de celles qui nous sont parvenues les représente sous les traits d’hommes blancs, guère différents des martyrs européens. Comment interpréter cette iconographie ? En revenant sur le traitement des ambassadeurs japonais à Rome, en 1585, dont les membres avaient été explicitement associés aux trois rois mages, j’examinerai le processus d’intégration de ces saints des « Indes » aux conceptions de l’Église, montrant comment sa stratégie, malgré l’absence de la catégorie conceptuelle de « race asiatique », dévoile l’existence de critères de différence entre les populations du Japon et du Vieux continent, que l’on a cherché, plus ou moins consciemment, à gommer dans le contexte cultuel.

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