Histoire

Relrac2016 - Bouddhisme et race à Sri Lanka : de la théorie de la ‘‘race élue’’ à la pratique du Bodu Bala Sena

2 juin 2016
Durée : 00:55:41
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Colloque international - Les religions face aux théories et aux politiques de la «race» (XVe-XXIe siècle)

 

Bouddhisme et race à Sri Lanka : de la théorie de la ‘‘race élue’’ à la pratique du Bodu Bala Sena

Intervenant : Eric Meyer, INALCO / CEIAS

 

La conception des Singhalais comme « race élue » du bouddhisme theravada résulte de la convergence de deux discours. L’un très ancien, développé par les moines de l’île à partir du Ve siècle de notre ère dans une chronique (le Mahavamsa), fait de l’île le conservatoire de la pure doctrine du Maître, et de la monarchie singhalaise (le mot signifie qui a le lion pour emblème), le garant de la survie et du développement de cette doctrine, qui s’efface en Inde à l'époque. Le second discours, développé sous la domination coloniale britannique (1796-1948), définit le groupe linguistique singhalais, qui est majoritairement bouddhiste et dont la langue appartient au groupe des langues indo-européennes, comme une « race » : il s’agit d’une catégorie identitaire imposée par les recensements. En revanche, l’endonyme jatiya, qui signifie naissance peut s’appliquer aussi bien à la caste et à la nation qu’à l’ethnie. Le terme de « race » est repris par le mouvement national anti-britannique qui puise sa force dans la renaissance du bouddhisme, et qui développe une thèse faisant des Singhalais bouddhistes « aryens » une « race » égale aux Européens et supérieure aux Tamouls hindouistes « dravidiens ». A partir de ces théories, se construit après l’indépendance (1948) une pratique politique visant à donner au bouddhisme une place privilégiée dans l’État et à faire de la langue singhalaise la seule langue officielle. Enfin, dans le contexte de la guerre civile qui déchire le pays des années 1980 à 2009, face au mouvement séparatiste tamoul, qui n’est pas d’essence religieuse, une fraction du clergé bouddhique incite à des actions violentes au nom de la défense de la « nation » ou de la « race » singhalaise. Après la défaite des séparatistes (2009), ce mouvement rebondit en se tournant cette fois contre les musulmans et les chrétiens sous l’impulsion du Bodu Bala Sena (Armée du pouvoir bouddhiste), dont l’action est condamnée par le nouveau régime issu des élections de 2015.

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